Johan Gelper

 
 
 

Si la ligne est un élément fondamental dans les sculptures de Gelper - qu'il s'agisse des contours fluides de ses Spatial Drawing où des angles acérés de ses Botanicals - le mouvement constitue leur justification créative. Si l'on tentait d'exprimer en termes physiques la contemplation d'une sculpture, on placerait l'œuvre d'art d'un côté du signe d'égalité, et le spectateur de l'autre. Une ligne dans l'espace est dotée d'une énergie potentielle ; alors que l'on se déplace autour pour en observer les trois dimensions, cette énergie potentielle se mue en notre propre énergie cinétique.

Bien que les sculptures de Gelper restent inamovibles, leur ambition est de susciter le mouvement chez le spectateur, comme un art cinétique inversé. Les formes positives et négatives se métamorphosent tandis que nous les contournons : nos trajectoires leur confèrent une forme dynamique. Les sculptures transmettent un signal à notre corps, à nos yeux et à notre cerveau qui nous invite à suivre leurs formes et leurs angles. Nous ne regardons pas seulement vers quelle destination elles se dirigent, mais aussi vers laquelle elles pourraient se diriger.

 
 
 
 
 
 

Les sculptures de Gelper ébranlent la notion d'utilité, lui conférant une autre forme. Dans les mains de l'artiste, les objets d'usage courant et les meubles sont métamorphosés en un enchevêtrement sculptural poreux. Ses Spatial Drawings sont des sculptures ouvertes typiques, des variables parfaites au sein de notre espace comparatif physique. Certaines sont insérées dans des courbes rebondies gigantesques, soudées à partir des lignes élégantes produites par l'association de mâts de tentes et de structures désarticulées de chaises.

Tout comme une peinture à la composition dynamique attire notre attention et propose des pauses dans le processus que nous parcourons pour l'appréhender, les frontières absorbantes des contours de ses sculptures se courbent pour se replier vers l'intérieur. Elles emportent le regard du spectateur, tandis qu'elles encerclent une base souvent chancelante. Une nouvelle destination est ainsi offerte aux râteaux, chariots, vis et pieds de chaise qui les composent, avec un clin d'œil éloquent vers leur matérialité usuelle et un hochement de tête espiègle vers la fonction utilitaire que ses éléments ont eue antérieurement.

Fragment tiré de 'The physics of looking at sculpture' d'Andrea Alessi (2012, traduit de l'anglais)

 
 
 
 
 
 

Par leur réorganisation méticuleuse des objets contemporains, les sculptures de Johan Gelper jettent un pont entre le monde immatériel et la réalité sensible. Ses sculptures sont le fruit d'une série d'expérimentations édifiant des systèmes d'ordre équilibrés, dans un processus qui consiste à organiser des objets trouvés et à les combiner en tant que formes d'emprunt, faisant ainsi surgir un nouveau système.

Cette réorganisation confère aux éléments une signification personnelle profonde et crée entre eux des liens qui contrastent avec leur matérialité. Par ses sculptures, l'artiste met en question la valeur que la société attribue aux objets et redéfinit la signification que les objets confèrent à l'espace et au temps dans lesquels nous vivons. Les œuvres de Gelper sont des variables à forme ouverte offertes au sein de notre espace de comparaison commun.

 
 
 
 
 
 

Les œuvres vivantes et dynamiques mettent à nu un besoin impérieux de réorganisation et de provocation. L'esthétique des sculptures est instrumentalisée dans le but de dévoiler une lutte cachée. L'artiste entend étudier l'ambiguïté des objets faits main en faisant appel à la fois à des éléments naturels et fabriqués. Par le contraste qu'elles créent entre le géométrique et l'organique, l'industriel et le naturel, ses œuvres sont des instruments de conflit qui réussissent d'une façon ou d'une autre à se solutionner par eux-mêmes. Dans un même temps, avec ces constructions délicates qui tiennent parfois en équilibre sur un clou unique, la nature fragile des sculptures semble les emmener au bord de la dissolution. En soulignant la nature éphémère des moments équilibrés, cette instabilité trompeuse créé un sentiment d'urgence extrême qui pousse le spectateur à l'action.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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