Joke Raes

 
 
 

Tel un sol fertile qui génère d'innombrables formes de vie, Joke Raes travaille à une œuvre dont la croissance se révèle exponentielle. Dessins, sculptures et installations émergent de la main de l’artiste apparemment sans effort, mais quiconque les examine de près est abasourdi par le niveau de détail : chaque œuvre est réalisée avec minutie, trahissant l'obsession de la surface et de ce qu’elle recouvre. Le langage pictural organique de l’artiste est celui de la forêt amazonienne, de la nature qui prolifère et fourmille de centaines de milliers de formes vivantes, dont l’homme ne représente qu’une espèce parmi d’autres. 

 
 
 
 
 
 

Pourtant Joke Raes parvient à maintenir une vue d'ensemble, comme si elle avait emprunté les yeux à facettes d'une libellule, lui permettant même en plein vol de situer où elle se trouve. Elle ne s’égare pas dans les lignes labyrinthiques d'un dessin, ne semble pas hésiter lorsqu’il s’agit d’encoller des milliers de dents en plastique – à moins qu’il ne s’agisse de crochets, petits résidus industriels qui s'intègrent parfaitement entre plumes, chatons de saule et graines de plantes? Le tout se voit conférer une structure claire, une forme arrondie qui permet au spectateur de construire sa propre histoire.

 
 

Différents thèmes formels parsèment son œuvre, comme la ligne imaginaire qui divise un dessin ou un assemblage en deux moitiés ou sphères correspondantes. Les paires constituent des impressions miroirs qui débordent de tensions et de désirs, comme des tests de Rorschach associant concordance et différence. Les notions d'intérieur et d'extérieur reviennent régulièrement ; remplissage et enrobage ; conserver, camoufler, cacher. Une place prépondérante est réservée aux formes botaniques fantaisistes que Raes dessine, traite au laser, modèle, tricote et assemble. Les racines, les tiges, les fleurs, les germes, les champignons, les feuilles, les graines et les étamines revendiquent une place et une identité propres ; il est question d'échange, d'enchevêtrement, de pollinisation et de symbiose. Avec son utilisation éclectique et tactile des matériaux, elle estompe la distinction entre la nature et la culture. En substance, les concepts s'annulent : dans son travail, l'homme disparaît au sein de la nature mais parallèlement, la nature disparaît de par les agissements de l'homme.

 
 
 
 
 
 

Les œuvres peuvent être interprétées comme des métaphores pénétrantes, dissociées des anecdotes personnelles auxquelles un titre fait parfois référence. Avec un titre comme Lost Lover par exemple, vous savez, vous présumez qu’un épisode s’est déroulé à l'époque. Bien que ses tableaux sensuels soient magnifiques à contempler, Raes ne raconte pas nécessairement des histoires agréables. La dynamique de ses œuvres associe résistance et stagnation, et le déclin n'est jamais loin ; il creuse sa voie vers la surface comme le ferait un ver, commence à poindre sous la peau, mais reste masqué dans la luxuriance fabuleuse.

 
 
 
 
 
 
 
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